APRES L'HÉBREU, LE SANSCRIT : VERS UNE PALÉONTOLOGIE LINGUISTIQUE



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Fin 18e début 19e, les sciences consacrées à l'homme utilisent des instruments conceptuels issus de sciences comme la botanique, la géologie et la paléontologie, sciences étudiant les êtres ayant vécu à la surface du globe terrestre : paléontologie végétale (botanique) paléontologie animale et humaine. La découverte dans la région de Néanderthal d'une calotte crânienne interroge sur le début de l'histoire de l'homme. Au début on refuse d'y voir l'ancêtre de l'homme, on le considère comme rattaché à l'homme, anormal.

Le vrai point de départ est la mode du sanscrit et la découverte de l'indo-européen. En effet c'est un véritable engouement en Angleterre, en France et en Allemagne : hypothèse d'une langue commune, hypothèse de l'indo-européen. C'est un magistrat anglais arrivé aux Indes, William JONES, qui est à l'origine de cette découverte.
Dans une communication à la société linguistique de Calcutta, il dit :
"La langue sanscrite quelle que soit son antiquité est d'une structure admirable plus parfaite que le grec, plus riche que le latin, et plus raffinée que l'une et l'autre. On lui reconnaît pourtant plus d'affinités avec ces deux langues dans les racines des verbes et dans les formes grammaticales qu'on ne pouvait l'attendre du hasard. Cette affinité est telle en effet qu'un philologue pour examiner ces trois langues semble croire qu'elle sont sorties d'une source commune qui peut être n'existe plus. Il y a une raison semblable mais qui n'est pas tout à fait victorieuse pour supposer que le gothique et le celtique, bien qu'idiomes très différents, ont eu la même origine que le sanscrit et on pourrait ajouter le persan à cette famille si c'était ici le lieu de discuter des questions relatives aux antiquités de la Perse"

Première grande génération : Friedridh von Schlegel publie en 1808 en allemand L'essai sur la langue et la sagesse des indiens. En France c'est en 1814 qu'est créée la première chaire de sanscrit. Franz BOPP, autour de 1820, élabore sa grande grammaire comparée. Il s'agit d'un travail systématique plus que d'intuitions, il s'agit de montrer que la plupart des langues parlées en Europe et le sanscrit ont un ancêtre commun : l'Indo-européen.

Début 19e, les bouleversements provoqués par ces études vont dépasser le cadre de la philologie comparée et faire intervenir histoire et mythologie.
Grâce à cette nouvelle histoire des langues, on pourra se faire une idée au moins des sociétés préhistoriques et grâce à l'analyse des racines indo-européennes on pense pouvoir comprendre ces ancêtres et réaliser une véritable paléontologie à base linguistique, c'est à dire fondée sur des matériaux linguistiques et en particulier les lexiques indo-européens, pour remonter aux sociétés préhistoriques.
On assiste à une remise en question de l'endroit d'origine où trouver les premiers états de la sagesse humaine : l'intérêt se déplace de l'orient vers l'extrême orient : les rives du Gange.
Il y a là déplacement au niveau des références mythologiques : à l'Eden biblique succède le paradis aryen.
Reinhardt : "Il semblerait qu'un nouveau paradis terrestre eut été retrouvé sous les couches fossiles du langage".
Hegel : "Le paradis est un parc ou seuls les animaux peuvent demeurer et non les hommes".
Un certain nombre de chercheurs vont penser être très proche de la naissance du langage et très proches de la création de l'homme. Toute cette élaboration est faite à partir du comparatisme, à partir de racines statiques qui correspondent à des structures immobiles et ne sont pas soumises à l'érosion du temps. C'est donc véritablement une grammaire comparée. Saussure, qui sera lui aussi grand spécialiste des études indo-européennes critiquera cet oubli de l'histoire, il sera un des premiers à montrer qu'on ne peut faire d'analyse et de comparaisons sans références historiques. Il y a conflit entre 2 grandes sources culturelles : l'extrême orient avec tout ce qu'on peut savoir de cet héritage, et l'héritage sémitique issu de la Bible.

Le mythe racial aryen, apparent dans beaucoup de travaux, a mené à des dérapages. On comprend pourquoi la société linguistique a refusé tous les travaux concernant l'origine du langage : "discussions passionnées incompatibles avec l'objectivité de la science".

L'ordre de grandeur actuel (- 6 millions d'années) relativise ces recherches sur l'origine du langage.

(D'après le cours "Origines du langage" de Denis Autesserre)

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