Jean Jacques ROUSSEAU

1712/1778

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Essai sur l'origine des langues

Ouvrage posthume : la première édition sort à Genève en 1781. Le manuscrit fut confié à DU PEYROU, le titre complet est : "Essai sur l'origine des langues, ou il est parlé de la mélodie et de l'imitation musicale" L'ouvrage comprend trois parties :
- L'origine des langues
- L'imitation musicale
- La mélodie
Il s'agit non pas d'un ouvrage mineur mais d'une véritable philosophie esthétique qui entretient un lien avec la théorie sur l'origine des langues et la philosophie générale. L'ouvrage répond à un grand musicien : Jean Philippe RAMEAU, mais Rousseau ne veut pas en faire une querelle de personnes. Rameau est un monument, pour l'attaquer il crée tout un système philosophique pour remettre en question l'esthétique classique. Ce système philosophique complet comporte aussi aspect un moral (éthique) et se termine sur une politique. La démocratie pour Rousseau passe par l'entretien de l'éloquence.

Critique de l'esthétique classique.

Le débat mélodie / harmonie est mis en évidence par Rameau dans ses traités. Rousseau va les opposer sur le plan musical et du soubassements idéologique. Il oppose deux mondes différents : spiritualiste et matérialiste Pour Rameau, les sons seraient des objets susceptibles d'être traités au plan mathématique. Il s'agit là d'un thème cher à Rousseau (analysé par STAROBINSKI : La transparence et l'obstacle). Rousseau, lui, adopte une position antimatérialiste, spiritualiste. Aucun des deux ne nie l'existence de l'harmonie ni de la mélodie mais,

L'ouvrage nous présente de manière conjointe l'origine du langage et de la musique : musique et langue sont liées par la mélodie. Une critique du sensualisme et du rationalisme de la musique du XVIIème est également présente. La musique n'appartient pas au monde des physiciens mais à un monde éthique et passionnel.
Un dualisme s'instaure opposant en musique harmonie/mélodie et dans la langue articulation /sons (ce qu'il appelle la vocalité).
On retrouve le même dualisme
alphabets (harmonie) idéogrammes pour l'écrit (sensible, imitation)
raison figures (images)
(arbitrarité) (motivation)

Les langues proviennent des passions.

La première invention de la parole vient des passions, pas des besoins. "Les besoins dictèrent les premiers gestes, les passions arrachèrent les premières voix" Rousseau met en place tout un mythe de l'origine du langage, il admet que l'homme met en place un système par gestes, pas encore une langue. Ce qui va déterminer l'utilisation du langage, ce sont les premières passions "C'est un homme passionné qui devient un l'homme parlant" Est ce un besoin qui crée le langage? "si besoin, besoin moral" Pour Rousseau, le monde musical des passions permet le langage. Les premières langues furent passionnées, chantantes, il y a consubstantialité entre musique et langage. La musique. est première sous forme du chant. On a chanté avant de parler : cela implique que la mélodie est inspirée par les sentiments, les passions. La voix elle même est signes et non pas intervalles musicaux, par cette signification elle est en rapport non pas avec les objets mais avec l'immatériel.

Origine des langues

De là, Rousseau analyse de façon plus détaillée l'origine des langues et leur développement. L'évolution va vers une dégénérescence qui touche langues et musique. Rousseau ne veut pas de retour à une situation antérieure, mais cette étape était nécessaire, c'est d'elle qu'est né l'homme doué de raison. Il va montrer que cette langue originelle se caractérise par son aspect vocalique : inflexions mélodique, accents de hauteur. Il privilégie les éléments prosodiques. Les langues chantés évoluent, les aspects discontinus (discrets), les segmentations, ne se trouvent pas à ce stade. Aspect legato, mélodique : l'aspect consonantique n'existe pas encore sauf peut être des consonnes vocaliques. Pour Rousseau, ce qui est premier c'est la dimension vocale dans la langue originelle, mais une contradiction est possible : passions douces / passions plus dures. Rousseau fait intervenir la théorie des climats de Montesquieu et considère deux types de langues :
- Certaines langues plus mélodieuses, nées du désir, en accord avec les passions douces mènent aux langues du Midi (désir).
- D'autres langues (passions dures) mènent aux langues du Nord (besoin).
Les langues sont-elles nées autour des foyers? non, répond Rousseau, autour des points d'eau. Les langues du nord sont nées plus tard autour du feu. D'après Rousseau la "socialisation du feu" vient du nord, le berceau de l'homme se trouve dans le midi. Dans les régions difficiles, l'évolution du langage suit les besoins de l'homme : langage moins mélodieux, marqué davantage par l'articulation qui mène au langage actuel. Il y a trois thèses qui s'emboitent, le concept central est la sonorité, la "vocalité" de ces langues.

Prééminence sensorielle :

Deux sens sont utilisables : vision ou audition.
D'après Rousseau, on aurait pu utiliser la vision mais c'est l'audition qui a triomphé pour l'élaboration du langage, car elle nous met plus directement en rapport avec l'origine morale du langage. Nos passions s'expriment plus de manière vocale, une relation s'établit entre action et réaction. L'expression, directement conditionnée par nos affects et, pour l'auditeur, l'impression. C'est là ce qu'on appelle la fonction expressive du langage, ou fonction appellative. Si la langue est imitation, elle est imitation d'affects, pas d'objets, elle est en relation directe avec nos émotions.
" La musique vraiment imitative ne doit pas imiter des bruits, des objets ,mais des sentiments, une musique imitative passe par l'impression que nous avons de l'objet et non pas par l'objet lui même"

Parole & chant

Le point concret de ce système philosophique est le problème de la parole et du chant. Pour Rousseau, entre le chant qui est premier, et la parole qui vient ensuite, il y a une différence quantitative uniquement. Rousseau, musicien, connaissait le problème de la relation chant parole. Il note la différence au niveau de la durée, mais cela ne remet pas en question. l'ensemble. La différence pour lui est simplement quantitative, mais à l'époque ce n'est pas l'opinion dominante : pour ses contemporains, il y a une différence qualitative. Cette phase importante du chant permet de donner à cet ensemble. sa cohérence, lui donne ses fondements moraux et s'ouvre vers une dimension politique.

"Rapport des langues au gouvernement"

Dimension politique : au travers de l'éloquence, Rousseau revient au principe de l'agora. Pour Rousseau, la démocratie passe par l'entretien de l'éloquence, il est dommage que l'écriture ait pris tant d'importance.

(D'après le cours "Origines du langage" de Denis Autesserre)
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