Linguiste complet, il s'est intéressé au langage sous
toutes ses formes. Intéressé par la philosophie de la grammaire,
spécialiste de l'interlinguistique il s'occupe des langues internationales
(esperanto, ido), mal satisfait il crée le novial.
Il a touché à certains aspects philosophiques et s'intéresse
à l'application de ses travaux : il crée une méthode
d'enseignement de l'anglais fondé sur la prononciation, il utilise
dans cette méthode l'alphabet phonétique international dont
il est un des promoteurs.
(Il écrit une lettre à Paul Passy pour proposer la création
de l'Association. Phonétique. Internationale.)
C'est un de ceux qui vont faire un premier travail très intéressant
sur l'acquisition du langage par l'enfant.
Il s'intéresse aux apports de l'enfant aux changements qui interviennent
dans les langues.
C'est un spécialiste de la linguistique historique et, dans ce
cadre, des branches romanes & germaniques de l'indo-européen.
La totalité de l'ouvrage est conçue pour mener aux 20
pages qui traitent de l'origine du langage.
- 1er livre : Histoire de la linguistique des débuts jusqu'au
19è siècle.
- 2ème livre : Le langage de l'enfant, basé sur des faits
recueillis par lui-même. Il étudie surtout les changements
provenant de la transmission de la langue à de nouveaux individus
qui ne la comprennent pas encore.
- 3ème livre : L'individu et le monde : étude complémentaire,
changements dans les langues dus à une influence exercée
sur une langue à travers sa transmission à des individus
qui parlent déjà une autre langue. Problèmes dérivés
des phénomènes de colonisation. ex en Gaule abandon du celtique
pour le latin : mélange. (appelés problèmes de substrat
en linguistique historique).
- 4ème livre : L'évolution du langage, consacré
aux origines du langage : Le courant de la grammaire comparée s'achève
par les néo-grammairiens, Jespersen s'oppose violemment à
l'aspect mécaniste de l'évolution des langues.
Pour les néo-grammairiens existe la notion de lois phonétiques
sans exceptions, pour Jespersen, ils ont ignoré les problèmes
de sens : "Pour comprendre les phénomènes phonétiques,
il convient de ne pas les isoler de l'étude des sens."
"La tâche de la linguistique n'est pas de se limiter à
la reconstitution de l'indo-européen mais il faut s'intéresser
à la nature même du langage". Il va se diriger vers une
tentative d'évaluation des langues fondée sur une idée
générale opposée à beaucoup de recherches du
18è et particulièrement à Rousseau : pour Jespersen
les langues ne dégénèrent pas mais au contraire, les
langues s'améliorent, progressent. Pour lui, il y a survalorisation
des langues anciennes, il est pour une revalorisation d'un point de vue
synchronique
Point de vue non pas philosophique mais scientifique, appuyé
sur des faits : "Pour apporter une réponse scientifique à
la question du progrès ou déclin des langues, il faut examiner
des cas concrets de changement, en prenant grand soin, toutefois, que ces
exemples ne soient pas sélectionnés au hasard mais au contraire,
qu'ils soient caractéristiques des langues étudiés."
En fonction de la progression des langues, il se pose une question d'interlinguiste
: quelle est la meilleure langue? "il est possible de trouver des
tests permettant de mesurer et comparer les langues. Dans cette optique,
il est évident que c'est celle qui pourra exprimer le maximum de
choses avec le mécanisme le plus simple."
Critique possible, comportement anthropocentrique : revendiqué,
il l'appelle évaluation anthropocentrique. Maximum d'efficacité
pour un minimum d'effort, donc la langue la plus adéquate est celle
qui comporte la plus grande force d'expression, et d'un autre côté,
demande un effort de travail physique et mental réduit. C'est sa
"formule d'énergétique".
Les recherches de Jespersen viennent d'être réactualisées
par Bjorg LINDBLOM (théorie de l'hypo et hyper articulation) nouvelles
recherche sur les énergies dépensées dans la production
des langues.
Jespersen étudie sur la plus longue période possible pour
lui. De là, il met en évidence une tendance au progrès
dans les langues
Examens comparatifs des différences entre les états anciens
et modernes des langues occidentales.
1) Changements phonétiques (il admettra par la suite qu'il part
des langues indo-européennes).
Evolution des systèmes phonétiques. Il rappelle les recherches
de Baudoin de Courtenay sur les systèmes linguistiques (1893). Baudoin
de Courtenay est un de ceux qui ont mené à la notion de phonème
(école de Kazan). Les langues iraient vers une perte des sons gutturaux,
évolution dans le sens d'un plus grand rôle joué par
l'articulation antérieure des langues. Conception de l'humanisation
du langage.
Pour Jespersen la tendance la plus universelle, c'est la tendance au
raccourcissement des mots. ex latin / français campus -> champ
bonus -> bon
Parfois suppression de syllabes "haplologie" Neuve ville ->
Neuville
2) Changements de l'organisation syntaxique. Relation Synthèse
/ analyse.
Synthèse / langues synthétiques analyse / langues analytiques.
Dans les langues synthétiques on a le groupement dans un même
mot de plusieurs fonctions syntaxiques cantaverum -> I has sung
Gain : on passe d'une structure figée à 3 éléments
(plus de liberté).
De même Jespersen considère que l'accord verbal complexifie
une langue et que simplifier les flexions (en utilisant les pronoms personnels)
va vers une utilisation plus libre et plus spontanée.
Dans les formes anciennes des langues, on trouve beaucoup d'irrégularités
dans les désinences et les racines.
3) Synthèse des avantages (p351)
C'est à contre courant de la théorie de l'évolution de Darwin : "Pour la linguistique on a le phénomène inverse, au lieu d'une complexification, on va vers une simplification des formes. En matière de structure, la simplicité de l'expression n'est pas innée mais provient d'une élaboration." "Excusez moi, je n'ai pas eu le temps de faire court."
Idée générale :
Au plus on s'éloigne de l'époque présente, au plus
le langage est complexe. On a une évolution a contrario de la théorie
darwinienne du plus complexe au plus simple. "Nos ancêtres faisaient
beaucoup de bruit pour presque rien"
Déclenchement du langage : Jespersen reprend l'analyse de Rousseau
: c'est le désir qui est à l'origine du langage et non pas
le besoin. L'homme a chanté ses sentiments bien avant d'être
capable d'exprimer ses pensées. Toute une partie de sa pensée
reprend Herder et Rousseau. Dans son ouvrage, il se montre très
dur avec Rousseau qui est expédié en quelques mots alors
qu'il reprend son argumentation. Mais il y a cassure : ils ont des conceptions
extrêmement différentes des origines des langues : Pour Rousseau,
il y a dégénérescence due à une raison sociale,
l'homme vivant en société est obligé de modifier la
langue qui devient un instrument au service de la raison alors que au début
elle est au service de l'expression des sentiments. Pour Jespersen, au
contraire, c'est un progrès. Pour bien marquer ce progrès,
il définit une trajectoire d'évolution du complexe au plus
simple.
L'ouvrage se termine sur une citation du Prométhée
délivré de Scheller (1819):
"Le langage est un hymne orphique perpétuel régissant
de son harmonie savante une foule de pensées et de formes qui sans
lui n'auraient ni figure ni sens"
Jespersen relie le langage à son aspect créateur, poétique.
On a affaire à un linguiste, grand spécialiste des langues sur le plan synchronique, de l'histoire des langues et interlinguiste, persuadé qu'on peut créer une langue qui répondra mieux aux besoins de communication des hommes. Répond à un progrès dans l'évolution des langues mène à la notion d'aménagement linguistique : on peut agir sur les langues (conviction profonde de Jespersen)
Le tournant sera pris avec le structuralisme.
"On peut considérer Jespersen comme un pré-structuraliste" (A Martinet)
Avec le mouvement proprement dit, on pensera plus à une adaptation comme outil de communication aux besoins (spécifiques) de la société qui en fait usage.
Influences qui dureront pendant tout le mouvement structuraliste et jusqu'à la linguistique post-saussurienne : étudier le langage dans son comportement actuel.
Cela marque la fin de l'admiration pour les langues anciennes : étudier les langues actuelles est honorable, ce ne sont pas des sous produits.